S’il existe bien un article du Code civil dont la numérotation se retient aisément, c’est celui organisant le préciput, c’est-à-dire la faculté offerte au survivant des époux de prélever, avant tout partage, une somme d’argent ou certains biens.
L’article 1515 prévoit ainsi que les époux peuvent, dans leur contrat de mariage initial ou en cours d’union par le biais d’un changement de régime matrimonial, décider que certains actifs de la communauté seront attribués automatiquement au conjoint en cas de décès, avant le règlement de la succession avec les autres héritiers.
Par exemple, un couple pourra décider que la résidence principale reviendra en totalité et en toute propriété au survivant, sans que le bien immobilier en question n’intègre l’actif successoral.
D’un point de vue fiscal, le préciput échappe par principe au droit de partage (au taux de 2,5% sur l’actif concerné), dans la mesure où ce droit n’est exigible que si quatre conditions cumulatives sont réunies :
L’existence d’un acte ;
L’existence d’une indivision entre les copartageants ;
La justification de l’indivision ;
Et l’existence d’une véritable opération de partage par des attributions privatives.
Dans le cas du préciput, trois des quatre conditions sont réunies : l’existence d’un acte, l’existence d’une indivision et sa justification. Mais il ressort sans ambiguïté aucune de la rédaction du célèbre article 1515 que le préciput s’exerce « avant tout partage », ce qui implique qu’aucune opération de partage n’intervient : les biens prélevés sont réputés appartenir au survivant dès la dissolution de la communauté, sans que cette attribution ne s’impute sur ses droits dans le cadre d’un éventuel partage ultérieur. L’exercice de la clause n’a ainsi qu’une fonction de prélèvement par le conjoint survivant, et non l’attribution d’un bien entre plusieurs copartageants.
Attention : récemment et à rebours de toutes les analyses civiles de la clause de préciput, l’Administration fiscale s’est crue fondée à exiger du conjoint survivant le paiement d’une taxe sur le fondement du droit de partage. Des tribunaux judiciaires se sont prononcés, de manière disparate, sur ce sujet.
Gageons que la Cour de cassation, si elle devait être amenée à se prononcer sur cette question, confirmera sans ambiguïté l’absence de taxation au droit de partage du préciput.
L’article 1515 n’est donc pas prêt de tomber dans les oubliettes de l’Histoire !